Entre
crépuscule et aube, durant près de quinze heures David Merlo,
musicien, et Darjeeling Bouton, vidéaste, proposent une traversée
sonore et visuelle, une errance faite de champs de tensions et
d'épuisement. Par la mise en oeuvre et en espace d'un dispositif
minimal, ils se prêtent au jeu de l'épreuve d'une expérience des
limites. A travers un geste vain et irraisonné, cette performance
invite au vertige d'un flux continu résonnant au-delà de ce temps
imparti.
Quelqu'un,
dans la pénombre, retranscrit en continu, via un clavier
d'ordinateur, une partie du texte, saisie au hasard, sans jamais en
atteindre la fin. L'écran que seule Darjeeling Bouton ne voit pas,
donne à voir une image noire sur laquelle des mots s'entassent dans
un défilement vertical évoquant les prompteurs des plateaux
télévisuels. Dans la mécanique répétitive de la frappe, le geste
s'épuise, et ainsi désintègre cette parole. Dans
le même temps, quelqu'un d'autre, à peine plus visible, joue, sans
discontinuer, d'improvisations sonores, à l'aide d'une basse et
d'ustensiles divers. Profitant
de la toute puissante solitude, re-produisant et usurpant les
carburants de l'extrême redondance, David Merlo balance des ondes,
coûte que coûte. La
silhouette imprécise du public, présence fugitive, libre,
incertaine, fluctuation d'énergies et de murmures, compose le
presque recueillement ou la dispersion, mouvements contradictoires de
cette tentative, insaisissable
dans son ensemble. La
durée démesurément longue empêche le spectateur d'assister à son
intégralité, le laissant là, livré à sa perception immédiate.